Adolescence sur Netflix : la masculinité toxique n'est que le symptôme
L'illustration d'un mal qui ronge les hommes depuis des lustres. Mini-série pour maxi-claque.
Salut toi !
Aujourd’hui dans Le Fab & Mymy Show, je parle d’Adolescence, une mini-série dispo sur Netflix. (épisode garanti sans spoiler) (cette newsletter va spoiler plus loin, mais je te préviens, j’te promets)
Rapide pitch !
Dès les premières minutes de la série, une équipe d’intervention défonce la porte d’une maison au petit matin, braque toute la famille pour aller arrêter un gamin de 13 ans en pyjou dans son lit.
Jamie est suspecté de meurtre. La série, réalisée intégralement en plan-séquence (énorme prouesse technique) nous propose de suivre dans ce premier épisode l’arrestation de Jamie, sa garde-à-vue et son interrogatoire.
Au-delà de la prestation incroyable du cast, du charmant accent du Nord de l’Angleterre et de l’aspect haletant du plan-séquence, Adolescence en dit long sur des sujets primordiaux : la masculinité chez les jeunes garçons, leur rapport aux femmes et au féminin mais aussi la colère, la violence et enfin… la transmission père-fils.
Je vois plein de gens parler d’à quel point Adolescence illustre à merveille la “masculinité toxique” (je ferai un autre post sur cette expression prochainement) qui touche aujourd’hui les tous jeunes garçons. Si c’est une réalité, à mon sens, c’est prendre le problème à l’envers.
La “masculinité toxique” n’est que le symptôme d’un mal bien plus profond qui flingue les hommes depuis DES SIÈCLES. J’aimerais profiter d’Adolescence pour en parler ici.
Voilà. Va donc regarder si ce n’est pas encore fait et reviens lire après avoir regardé, parce qu’à partir de là, je vais :
____SPOILER____
J’en parle régulièrement avec mes invités dans Histoires de Darons et Histoires de Mecs, mais aussi dans cette newsletter : comment les hommes sont éduqués dans leur rapport à l’Amour, aux émotions et plus généralement à prendre soin.
Un de mes invités dans Darons m’avait confié avoir été élevé pour être aussi émotif qu’un “parpaing” (l’image m’avait marqué).
Il expliquait cela d’une façon très simple : son père, sa figure masculine principale, étant lui aussi un parpaing, pourquoi aurait-il fait autrement ?
Dans Adolescence, si Jamie, le fils, est au centre de la série, c’est son père, interprété de main de maître par Stephen Graham, qui en est le personnage principal. Même si on ne le voit que dans 2 épisodes sur 4.
Les deux dernières scènes, où il raconte à sa femme la violence qu’il a reçue de son propre père et où il pleure sur le nounours de son fils en s’excusant de ne pas avoir pu faire mieux, m’ont totalement bouleversé.
Pour deux raisons :
Parce qu’il regarde en face la violence qu’il a reçue. Il est temps que les hommes fassent de même, qu’ils aillent voir cette violence reçue depuis parfois leur plus tendre enfance. Et pour commencer - souvent - de la part de leur père. De la violence, psychologique et/ou physique. Les gars, il faut aller (re)connecter avec le petit garçon que nous étions, qui avons subi cette violence et d’aller le consoler. Pourquoi pas te consoler, toi, l’homme adulte qui, peut-être, crève également d’envie d’être consolé.
Les illustrations de cette violence sont multiples dans Adolescence : le père qui n’ose pas regarder son fils médiocre au foot, qui se détourne de lui une fois qu’il a vu la vidéo de caméra-surveillance, le fils de l’inspecteur qui se fait harceler par ses camarades de classe, Ryan, le pote de Jamie, qui se fait tabasser la gueule par Jade, la BFF de la victime. Parce que la colère engendre la violence qui engendre la colère qui engendre la violence et cette violence n’est pas réservée qu’aux hommes…Dans la séquence finale, en craquant de la sorte dans le nounours de son fiston, en s’excusant auprès de son fils de n’avoir pas été à la hauteur, le père excuse aussi son propre père de n’avoir pas été à la hauteur de l’enfant qu’il était.
C’est sans doute aussi le “cadeau caché” de la parentalité que je perçois depuis quelques années : en devenant parent, on s’offre la possibilité d’adopter un comportement différent avec nos propres enfants, et par là, de réparer notre relation avec nos parents.
Colère ≠ violence
Je le souligne parfois quand on parle de colère avec les clients que je coache, ou bien dans les podcasts : il faut qu’en tant que mecs, on apprenne à dissocier la colère de la violence.
Tu peux dire “je suis en colère” sans être obligé de taper dans un mur, dans une fenêtre, ou comme Jamie, de renverser ta chaise ou d’envoyer bouler le chocolat chaud que ta psy vient de t’amener (alors qu’elle a pris soin d’y mettre tes guimauves préférées)… ou comme son père dans l’épisode 4, qui pète un câble, envoie valdinguer un vélo, repeint son van en faisant valser un pot de peinture et en étant à deux doigts de péter la gueule d’un gamin.
Je ne dis pas que cette colère n’est pas justifiée, au contraire, mais qu’il y a sans doute d’autres moyens de l’exprimer, juste en disant “là, tu vois, je suis en colère” et en laissant cette fenêtre ou cette porte tranquille.
Déjà parce que : c’est le meilleur moyen de se blesser (je te PROMETS que le mur gagnera toujours contre ton poing) et ensuite, à titre personnel, je trouve qu’une colère “froide” permet de bien mieux exprimer une limite depassée que de tout envoyer valdinguer autour de toi.
Love love love
Je vois de plus en plus de jeunes pères s’occuper de leurs enfants, en prendre soin, et c’est incroyable de voir un tel mouvement en si peu de temps (même si on peut faire toujours mieux). À mon sens, il faut aller plus loin, il faut qu’en tant que mecs, on s’ouvre à L’AMOUR.
Je suis convaincu qu’au fond de chaque homme violent, au fond d’Andrew Tate, cité dans Adolescence, qui est l’un des fers de lance de toute cette mouvance masculiniste, il y a un petit garçon effrayé ou en colère qui a juste besoin qu’on lui dise qu’on l’AIME (mais alors concernant Tate : vraiment très très au fond, parce qu’il l’a bien refoulé).
Pareil pour tous ces mecs odieux, les Trump, Musk et consorts qui sont convaincus que la seule façon de régner sur le monde, c’est de compenser leurs peurs de ne pas être assez virils par de la force et de l’agressivité. Je t’invite à voir The Apprentice, incroyable film, pour en apprendre plus sur l’histoire de Trump, c’est fascinant.
De son côté, Jamie n’attend que ça :
de l’amour de cette jeune fille qu’il finira par assassiner dans un accès de colère,
de la validation et de la confiance de son père même quand il est nul au foot,
des câlins de ses potes mecs sans qu’on vienne lui dire qu’il est gay (j’extrapole un peu pour le coup :))
et que la psy qu’il vient de terroriser pendant une heure revienne le voir régulièrement.
Let me introduce you : ma porte blindée
Je SAIS à quel point c’est compliqué.
Même en n’étant clairement pas un mec très versé dans le “je dois paraître un bonhomme sinon ma quéquette va tomber”, je vois déjà à quel point j’ai bataillé contre moi pour ouvrir cette foutue porte blindée qui m’empêchait l’accès à mon Cœur. (ué chez moi c’est une porte blindée)
J’ai lutté pour la laisser ouverte même quand je me sentais blessé, parce qu’elle est vraiment lourde et je vois à quel point c’est tellement plus simple de la laisser se refermer aussi vite et redevenir un bon parpaing.
Mais bordel, qu’est-ce que ça vaut la peine. Ma relation à moi est plus apaisée, ma relation aux autres est plus tranquille, et j’ai découvert l’Amour inconditionnel d’abord envers mes filles, puis envers les gens que j’aime. L’Amour inconditionnel, sans attendre quoique ce soit en retour.
Et je ne dis pas que ça y est, je suis arrivé, je suis désormais Gandhi. Non, il y a encore des moments où la porte blindée va se refermer brutalement (mais elle est plus légère désormais), où je ressens des émotions sur lesquelles je n’arrive pas à mettre un sens précis.
C’est un long chemin et je comprends tellement les mecs qui n’osent pas l’emprunter. Ça n’est pas pour les excuser. Juste pour les comprendre.
On vient de tellement loin. Il a tellement fallu anesthésier les émotions des hommes pour qu’ils deviennent des machines à tuer ou de la chair à canon depuis des lustres.
Ma révélation après 1917
Adolescence m’a fait penser à 1917, autre film tourné en plan-séquence où deux soldats, tout jeunots, sont chargés d’aller porter un message de l’autre côté de la ligne de front pendant la première Guerre Mondiale.
Le plan-séquence permet de comprendre à quel point le personnage principal enchaîne trauma sur trauma pendant cette journée, sans jamais prendre le temps de les processer et… à la fin, il va rentrer chez lui, retrouver sa chérie, avec toute cette merde dans son sac à dos.
En sortant de cette séance, j’avais eu une sorte d’épiphanie : ok donc ces mecs-là, qui ont vécu tant de violence et de saloperies, ont eu des enfants, qui sont devenus nos grands-pères, qui ont eu des enfants, qui sont devenus nos pères.
Et on s’est refilés la patate chaude de génération en génération (et j’imagine qu’on peut remonter bien plus loin que la 1ère Guerre Mondiale en ce qui concerne les tueries), sans jamais prendre conscience de ce que nos darons nous ont refilés.
Aujourd’hui, on est bien mieux outillés, y’a la psychologie, des thérapies de toutes sortes, des groupes de paroles entre mecs. Alors on en fait quoi ?
🎁 Mise à jour du 25/03/2025 : sur le sujet, allez lire cet incroyable post de Jerry Hyde, thérapeute qui travaille avec des hommes depuis +30 ans, que j’avais interviewé il y a quelques années dans Histoires de Mecs.
J’ai hâte de lire vos commentaires sur le sujet, n’hésitez pas, messieurs, je suis à votre écoute !
La bise et à bientôt,
Fabrice
magnifique article! merci! de mon côté ce qui m’a passionné c’est que jamie ne manque pas de l’amour de ses parents, ni de sa soeur, ni même de ses potes et c’est sans doute le truc nouveau dans cette série absolument phénoménale. ce dont il manque c’est de connexion. d’être vu par son père pour qui il est, pas un grand footballeur, pas un boxeur, mais un petit garçon qui aime dessiner. la répétition du transgenerationnel qui prend de nouvelles formes. absolument incroyable